• Ma chère plume.

       

    Ma chère plume

     

     


    La première fois que nous nous sommes rencontrés, c’était devant une page blanche, cela remonte aux années… mais c’est si loin. On t’appelait Sergent major.  C’était encore au temps de l’encrier en porcelaine. On m’avait dit que tu écrivais sans faute, j’étais bien naïf. C’est cent fautes, sans compter celles qui étaient sous les taches d’encre que le maître dénicha en corrigeant ma dictée. Napoléon avait vécu ses « Cent jours », et moi je connaissais les « cent fautes », au grand désarroi de ma mère.

    Alors pris soudain d’une honte certaine, t’accusant de tous les maux de la terre, je pris sans faute la ferme résolution de m’appliquer. T’apprivoisant et devenant ton ami, nous fîmes équipe toi et moi. Le premier de la classe je devins, et notre fine équipe fut récompensée. Ce jour là ma dictée était sans faute, ma chère plume, et le soir je m’endormis léger comme une plume,  sur les plumes de mon oreiller, tandis que ma mère fredonnait dans la cuisine, «  Comme la plume au vent ».

     

    Roland

     

     

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    La soixantaine

     

    Soixante !  Quel nombre magique !

    Celui  des années soixante

    Et ses  notes de musique

    Venues d’ailleurs, tournoyantes.

    Soixante !

    C’est aussi avoir trois fois vingt ans.

    La vingtaine c’était la délivrance

    « Enfin j’ai de l’importance. »

    La quarantaine  l’épanouissement

    « Tiens je me sens bien, vraiment. »

    La soixantaine,  la sagesse

    « Je bois la vie jusqu’à l’ivresse  »

    Soixante !

    Ce nombre  brille au firmament de notre vie

    Comme l’étoile  illumine les cieux.

    C’est  le temps qui s’embelli

    Au rythme  des instants  précieux.

    Soixante !

    C’est le début d’un nouveau roman

    La suite normale de notre temps

    Quel bel âge avec ce chiffre pair

    Heureux ceux qui n’ont pas à le taire !

    Soixante !

    Prenons encore le temps

    L’horloge égrène ses heures

    Profitons de l’instant

    Écoutons sa musique en douceur.

    Roland

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  • Salut roi de la forêt.

    J’ai entendu dire que les arbres se parlaient et qu’ils ne dormaient presque pas. Dites-moi est-ce vrai ? Parfois j’entends dans les feuillages le vent jouer. Il bondit du frêne au boulot, fait la causette au sapin avant de dire bonjour au frêne, s’engouffre dans quelques buissons, puis se calme soudain. Faut pas déranger les oiseaux.

    Je marche lentement à travers vous peuples de la forêt, et des craquements me rappelle que je suis jamais seul.  J’ai pas peur de vous, non bien sûr, simplement la crainte de l’homme qui pourrait peut-être faire du mal.  Je sais que  parfois vous pliez, peut-être même pleurez-vous lorsque la hache sans état d’âme pénètre votre tronc. Vous savez d’avance ce qu’il vous attend. Vous tomberez majestueux sous les coups de butoirs et même les petits lutins n’y pourront rien. Vos entrailles seront mises à nu et aucun regard compatissant ne viendra plaider votre cause.

    Salut Toi, sentinelle de la forêt. Dis-moi, depuis combien de siècles vis-tu dans ce bois ? Tu as dû en voir des orages, tu as dû en abriter des malheureux et même des amoureux. Les fées sont souvent du voyage. Elles aussi  protègent ton entourage, mais ne peuvent pas tout. Je sais qu’elles sont là, et que l’on peut voir danser dans les matins brumeux les Elfes aux pouvoirs magiques. Je sais tout ça. Oh ! Rois des forêts ! vous êtes les gardiens de nos contes de fées, vous êtes la maison de tout un peuple qui vit dans  l’harmonie et l’homme parfois est bien cruel. 

    Je promène ma mélancolie et je marche sur des tapis de feuilles mortes. Ma mémoire chante en sourdine et j’entends la voix de ma mère. «  Il était une fois… » et ses mots m’emportaient dans des forêts immenses tandis que mes yeux se fermaient lentement  pour une nuit tranquille. Le bois mort craque sous mes pas, la nuit descend et je frissonne, tandis que la lune joue à cache-cache et que l'ombre des arbres se dessinent sur le sol. Le peuple de la nuit va se réveiller pour m'accompagner dans ma solitude et protéger mon errance, loin de la folie des hommes.

    Roland

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    Au clou mon vieux vélo

     

    Ha ma vieille « bécane » ! Elle était loin d’être neuve lorsque je mis pour la première  mon postérieur à dure épreuve, elle avait déjà des heures de vol que dis-je de route. Mais quel bonheur, j’en rêvais depuis si longtemps. 

    Rien n’était d’origine sur cette monture. Un vélo que papa m’avait bricolé avec de la récupération. Le cadre venait de je ne sais où, les roues sans doute d’une décharge municipale et le reste faisait partie d’autres machines épargnées par le temps et combien précieuses. Mon père, roi de la débrouille, aimait faire de la mécanique en tout genre et remonter un vélo n'avait pas de secret.

    C’était mon premier moyen de locomotion, une bicyclette peinte en bleu avec un restant de bidon, mais j’en étais fier et heureux. Une vraie petite reine qu’on ne risquait pas de me voler tellement elle était maquillée.

    Combien de fois, le nez dans le guidon, me suis-je pris pour Anquetil, Bobet et j’en passe … Ils n’avaient qu’à bien se tenir. J'en ai ramassé des bûches bien avant celle de Noël. Les genoux égratignés, je remontais sur toi cachant mes larmes devant les grands et de plus belle je pédalais.Tu m'emmenais là où je voulais, dans les bois, dans les prés sur des chemins escarpés, et bien sûr à l'école du village où l'on se moquait de toi. Mais je m'en fichais bien. Parfois nous croisions la belle Nicole avec la bicyclette de sa grand-mère et fier du haut de mes douze ans, j'osai à peine la regarder... 

    Ma chère bécane, toi qui vit mes dernières culottes courtes s’user sur ta selle en cuire, un jour je te remisai dans un coin sombre du vieux garage. Je te mis tout simplement au clou, toi qui en ramassas plus d’un. Un nouveau vélo, un course celui-là, avec un dérailleur, te remplaça. Presque avec regret, je t'abandonnai définitivement en ayant pris soin auparavant de te dépoussiérer un peu, je te devais bien un coup de chiffon. Le rideau sur toi était tombé, la porte se fermait en attendant que d'autres mollets aussi courageux que les miens , viennent un jour s'inviter pour un peu de route...Qui sait? 

    Roland

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    Le petit caillou

     


    Je suis le petit caillou de Jérémy. Nous sommes des amis de longue date. Avec lui, je voyage depuis des années, parfois dans sa veste, souvent je fais une trêve sur son bureau, ou alors il me serre dans le creux de sa main pour chasser son stress.

    En ce temps là, le chérubin qui n’était pas plus haut que trois pommes, aimait à ramasser mes semblables. Ils finissaient régulièrement au fond de ses poches souvent  trouées par les billes ou quelques objets n’ayant pas de nom. A peine arrivé dans la cuisine de sa maman, Jérémy les déposait sur la table, faisait le tri de son butin, mettait les plus beaux de côté, gardait certains pour son lance-pierres et se débarrassait de ceux qui n’offraient aucun intérêt. Le rituel était chaque fois le même. Et puis un jour, je fus collecté par ses petites mains. Il me regarda longuement, me tourna mille fois de ses petits doigts agiles, je n’étais pas fier. Jérémy,  certes était petit, mais je l’étais aussi et bien plus que lui. "  Pourvu que je ne finisse pas dans sa fronde ou tout simplement qu’il se serve de moi pour faire des ricochets. Ca fait mal, parait-il." Pensai-je, n’osant rien dire.

    S’il m’avait sélectionné, c’est que j’étais beau, donc j’avais une chance de me tirer d’affaires et de ne pas terminer ma vie soit comme un projectile sur les oiseaux (ça j’aurais pas aimé) ou soit de  finir quelque part dans une mare. Qui viendrait alors me chercher ? « Wahou ! Qu’il est mignon celui-ci. » l’entendis-je murmurer, puis s’adressant à sa mère :. «  Maman regarde comme il est joli, c’est le plus beau de tous. Je vais le garder toujours avec moi. » Diable ! Un vrai coup de foudre. Après tout je n’étais pas mécontent et je rougis, foi de petit caillou.

    Jérémy devint un adolescent  à la fois timide et turbulent, riant et pleurant ses chagrins déjà gros. Au fond  de ma poche pardon la sienne, je sentais ses doigts tremblants me caresser. Il me parlait comme on le fait avec une grande personne. « Mon petit caillou, heureusement que tu es là. Au moins tu ne dis rien tu es toujours d’accord. Ce n’est pas comme Elle qui vient de me laisser pour le bel Adrien. Qu’a-t-il de plus que moi, je te demande ? » Que pouvais-je bien lui répondre et faire pour l’aider. Alors il me portait à ses lèvres et murmurait  des prières pour qu’elle revienne, mais elle avait le cœur aussi dur que du granit. J’étais devenu son confident. De nuits sans sommeil, en jours tristes, de belles journées en soirées bien arrosées, les années s’écoulèrent et Jérémy devint un homme et partit à la guerre. Jamais il ne m’abandonna. J’étais dans la poche de son veston chaque instant près de son coeur. La balle qui s’écrasa sur moi ce jour là lui sauva la vie. J’avais beau être un caillou, j’avais aussi un cœur. Croyez-moi, les cailloux en ont un aussi et surtout les petits.

    A son retour, pardon à notre retour, le beau Jérémy se maria et la main douce de sa bien aimée m’adopta. «  Tu as vraiment un beau caillou, mon Jérémy. Ne t’en sépare jamais, c’est ton porte bonheur. ». J’étais devenu un talisman pour la belle demoiselle et mon cher Jérémy. Quel honneur. Ainsi, je coulerai des jours heureux, dans une poche, dans une main, sur la cheminée, etc.

    Aujourd’hui je suis de retour sur le bureau. Je veille comme une sentinelle cette petite boîte grise. Mon ami s’en est allé pour toujours.

    Je suis un petit caillou et chaque nuit, lorsque tout s’éteint, je laisse mes larmes couler. Plus jamais je ne sentirai la chaleur de sa main, ni le confort de ses poches. Jérémy est maintenant devenu poussière et moi je suis toujours un petit caillou qui a mal et qui pleure en silence. Je ne suis pas de pierre.

    Roland

     

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