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    Au clou mon vieux vélo

     

    Ha ma vieille « bécane » ! Elle était loin d’être neuve lorsque je mis pour la première  mon postérieur à dure épreuve, elle avait déjà des heures de vol que dis-je de route. Mais quel bonheur, j’en rêvais depuis si longtemps. 

    Rien n’était d’origine sur cette monture. Un vélo que papa m’avait bricolé avec de la récupération. Le cadre venait de je ne sais où, les roues sans doute d’une décharge municipale et le reste faisait partie d’autres machines épargnées par le temps et combien précieuses. Mon père, roi de la débrouille, aimait faire de la mécanique en tout genre et remonter un vélo n'avait pas de secret.

    C’était mon premier moyen de locomotion, une bicyclette peinte en bleu avec un restant de bidon, mais j’en étais fier et heureux. Une vraie petite reine qu’on ne risquait pas de me voler tellement elle était maquillée.

    Combien de fois, le nez dans le guidon, me suis-je pris pour Anquetil, Bobet et j’en passe … Ils n’avaient qu’à bien se tenir. J'en ai ramassé des bûches bien avant celle de Noël. Les genoux égratignés, je remontais sur toi cachant mes larmes devant les grands et de plus belle je pédalais.Tu m'emmenais là où je voulais, dans les bois, dans les prés sur des chemins escarpés, et bien sûr à l'école du village où l'on se moquait de toi. Mais je m'en fichais bien. Parfois nous croisions la belle Nicole avec la bicyclette de sa grand-mère et fier du haut de mes douze ans, j'osai à peine la regarder... 

    Ma chère bécane, toi qui vit mes dernières culottes courtes s’user sur ta selle en cuire, un jour je te remisai dans un coin sombre du vieux garage. Je te mis tout simplement au clou, toi qui en ramassas plus d’un. Un nouveau vélo, un course celui-là, avec un dérailleur, te remplaça. Presque avec regret, je t'abandonnai définitivement en ayant pris soin auparavant de te dépoussiérer un peu, je te devais bien un coup de chiffon. Le rideau sur toi était tombé, la porte se fermait en attendant que d'autres mollets aussi courageux que les miens , viennent un jour s'inviter pour un peu de route...Qui sait? 

    Roland

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    Le petit caillou

     


    Je suis le petit caillou de Jérémy. Nous sommes des amis de longue date. Avec lui, je voyage depuis des années, parfois dans sa veste, souvent je fais une trêve sur son bureau, ou alors il me serre dans le creux de sa main pour chasser son stress.

    En ce temps là, le chérubin qui n’était pas plus haut que trois pommes, aimait à ramasser mes semblables. Ils finissaient régulièrement au fond de ses poches souvent  trouées par les billes ou quelques objets n’ayant pas de nom. A peine arrivé dans la cuisine de sa maman, Jérémy les déposait sur la table, faisait le tri de son butin, mettait les plus beaux de côté, gardait certains pour son lance-pierres et se débarrassait de ceux qui n’offraient aucun intérêt. Le rituel était chaque fois le même. Et puis un jour, je fus collecté par ses petites mains. Il me regarda longuement, me tourna mille fois de ses petits doigts agiles, je n’étais pas fier. Jérémy,  certes était petit, mais je l’étais aussi et bien plus que lui. "  Pourvu que je ne finisse pas dans sa fronde ou tout simplement qu’il se serve de moi pour faire des ricochets. Ca fait mal, parait-il." Pensai-je, n’osant rien dire.

    S’il m’avait sélectionné, c’est que j’étais beau, donc j’avais une chance de me tirer d’affaires et de ne pas terminer ma vie soit comme un projectile sur les oiseaux (ça j’aurais pas aimé) ou soit de  finir quelque part dans une mare. Qui viendrait alors me chercher ? « Wahou ! Qu’il est mignon celui-ci. » l’entendis-je murmurer, puis s’adressant à sa mère :. «  Maman regarde comme il est joli, c’est le plus beau de tous. Je vais le garder toujours avec moi. » Diable ! Un vrai coup de foudre. Après tout je n’étais pas mécontent et je rougis, foi de petit caillou.

    Jérémy devint un adolescent  à la fois timide et turbulent, riant et pleurant ses chagrins déjà gros. Au fond  de ma poche pardon la sienne, je sentais ses doigts tremblants me caresser. Il me parlait comme on le fait avec une grande personne. « Mon petit caillou, heureusement que tu es là. Au moins tu ne dis rien tu es toujours d’accord. Ce n’est pas comme Elle qui vient de me laisser pour le bel Adrien. Qu’a-t-il de plus que moi, je te demande ? » Que pouvais-je bien lui répondre et faire pour l’aider. Alors il me portait à ses lèvres et murmurait  des prières pour qu’elle revienne, mais elle avait le cœur aussi dur que du granit. J’étais devenu son confident. De nuits sans sommeil, en jours tristes, de belles journées en soirées bien arrosées, les années s’écoulèrent et Jérémy devint un homme et partit à la guerre. Jamais il ne m’abandonna. J’étais dans la poche de son veston chaque instant près de son coeur. La balle qui s’écrasa sur moi ce jour là lui sauva la vie. J’avais beau être un caillou, j’avais aussi un cœur. Croyez-moi, les cailloux en ont un aussi et surtout les petits.

    A son retour, pardon à notre retour, le beau Jérémy se maria et la main douce de sa bien aimée m’adopta. «  Tu as vraiment un beau caillou, mon Jérémy. Ne t’en sépare jamais, c’est ton porte bonheur. ». J’étais devenu un talisman pour la belle demoiselle et mon cher Jérémy. Quel honneur. Ainsi, je coulerai des jours heureux, dans une poche, dans une main, sur la cheminée, etc.

    Aujourd’hui je suis de retour sur le bureau. Je veille comme une sentinelle cette petite boîte grise. Mon ami s’en est allé pour toujours.

    Je suis un petit caillou et chaque nuit, lorsque tout s’éteint, je laisse mes larmes couler. Plus jamais je ne sentirai la chaleur de sa main, ni le confort de ses poches. Jérémy est maintenant devenu poussière et moi je suis toujours un petit caillou qui a mal et qui pleure en silence. Je ne suis pas de pierre.

    Roland

     

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    Une nuit de Mai 68.

     


    La salle d’attente de la gare  était remplie de monde, en cette fin de week-end. Depuis des heures, certains attendaient un train qui ne viendra jamais. Une voix impersonnelle dans les haut-parleurs diffusait des informations qui souvent étaient suivies d’un mécontentement de la part des voyageurs. Il était vingt heures et le train pour Fréjus ne serait là qu’à trois heures du matin. Alors pour combler ces instants de liberté qui prolongeaient notre permission, avec quelques bidasses désœuvrés, nous décidâmes d’aller faire un tour dans Lyon. La nuit était douce et c’est d’un cœur joyeux que nous partîmes pour une petite virée. Nous vîmes déambuler quelques manifestants déjà bien échauffés, signe précurseur d’un mois de mai agité. Par sécurité, nous rentrâmes à la gare bien avant l’heure, puis je me laissai choir sur un banc, le bonnet de marin  sur les yeux, indifférent au brouhaha de la salle d’attente.

    Le train bondé, roulait à faible allure en ce lundi matin printanier. Il était trois heures. Dans les couloirs, des gens appuyés aux fenêtres, d’autres allongés cherchaient le sommeil. Certains, au passage des voyageurs essayant d’enjamber leur corps, grommelaient et se retournaient puis replongeaient dans leur torpeur. Une grande effervescence avait agité la gare à l’annonce du train, chacun se frayant tant bien que mal un chemin pour monter dans les wagons déjà pleins. 

    Ma valise à la main, je compris qu’il était inutile d’essayer d’aller plus loin pour trouver une place. Alors je m’assis sur mon bagage et regardai toutes ses formes humaines dans une semi obscurité qui donnait à la scène quelque chose d’irréelle. Et à  mon tour, malgré ma position inconfortable, à force de fatigue, je m’endormis d’un sommeil agité, tandis que le train repris une allure presque normale.

    Mon demi-sommeil fut de courte durée. Un peu courbatu, je me relevai tant bien que mal, et suivis presque naïvement la lune jouant à cache-cache avec les nuages. Je tentai de l’accompagner du regard dans sa course vagabonde. Comme une sentinelle, l’astre nocturne semblait veiller et protéger les rêves de chacun,  tandis que mon compagnon d’infortune, indifférent du  spectacle, écoutait son transistor. « Tiens, entends ce qui se passe à Paris !» me dit-il avec un sourire désabusé.  La voix du speaker, trahissant une certaine émotion, débitait des informations couvertes par le bruit des agitateurs : « Les émeutiers ont envahi le Quartier Latin, des voitures sont  incendiées et des barricades sont érigées dans Paris.  Des pavés sont arrachés à la rue et lancés sur les forces de l’ordre qui répliquent par des bombes lacrymogènes. Les matraques n’épargnent personne et le sang coule : Excusez-moi, mais il règne ici une odeur insoutenable et la fumée brûle nos yeux. C’est un spectacle incroyable. Je vois partout des gens courir, j’entends d’autres crier dans leur fuite et d’autres sont assis pleurant ne sachant plus que faire. Ils sont malmenés par les gardes mobiles, qui ne leur laissent aucune chance. Ce n’est plus une révolte, c’est une révolution. ».

    A nouveau, mes paupières devinrent de plus en plus lourdes et lentement un mur noir s’éleva majestueux, devant moi. Je fermai alors les yeux comme si j’étais absorbé par un long tunnel. Ne plus penser, ne plus  réfléchir, mais simplement dormir, dormir… J’étais en somnolence et pourtant une force indicible me poussait à profiter encore du spectacle nocturne, malgré l’engourdissement de mon corps. La lenteur du train berçait mon être et mes yeux fatigués, suivaient malgré eux le spectacle de la nuit. Les lumières de la ville, comme une multitude d’étoiles scintillaient, des néons vantaient les mérites de tel ou tel produit.  Des gens avançaient dans tous les sens, ne se souciant ni de l’un ni de l’autre. Des voitures, les phares allumés attendaient que la barrière s’ouvre après le passage du train. Un monde secret s’activait  sans moi dans cette nuit pas comme les autres.

    Le front collé à la fenêtre, j’essayai de voler l’intimité des rares maisons déjà éclairées. Ce n’était pas du voyeurisme, ma pensée voulait simplement se rassurer en recherchant dans ces lumières, ce que j’avais laissé derrière moi. Je surpris quelques silhouettes furtives, d’un monde qui ne m’appartenait pas et qui semblait s’éveiller. Alors je pensai à mon père que j’aimais tant, déjeunant seul, comme d’habitude. C’était un homme très matinal. J’imaginai papa assis à la table de la cuisine, l’odeur du café, le chat ronronnant, tous ces petits bonheurs familiers de la vie annonçant un jour nouveau, mais qui au quotidien nous échappent. Puis il ira chercher son journal tranquillement, mais ce matin il n’aura pas à me réveiller. Une tristesse infinie s’empara de moi, je fermai alors les yeux pour ne pas pleurer. L’aurore avait bien du mal  à pointer le bout de son nez, et toujours la foule avançait emportant avec elle des milliers de badauds vers leur destinée. A nouveau, mon train reprit une vitesse normale, les silhouettes devinrent de plus en plus difformes, puis bercé par le roulis des essieux, je me laissais glisser vers une autre vie.

    Roland Laurent

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    La lettre égarée

    La lettre perdue ou la longue attente

     

    C'est étrange, mais j’ai tellement rêvé de nos retrouvailles dans ce vieux bistro, sans jamais oser y croire un instant. Ce vieux café chaleureux où nous nous rencontrâmes tellement de fois. Qui arriverait le premier et verrait l'autre. Qui aurait le plus peur, Elle ou moi ? Que c’est terrible mais tellement émouvant et vrai ! Après tant d’années, des années perdues pour une lettre égarée, une lettre expliquant  que je ne serai pas à notre prochain rendez-vous, pour des raisons familiales. « Qu’il fallait qu’elle m’attende, que ce n’était qu’une question de jours, que je l’aimais plus que ma vie. »

     

    Depuis près d'une heure je suis assis  dans le coin le plus sombre de la pièce, regardant absent, le va-et-vient du patron servant les habitués du petit matin. Ces cheveux sont grisonnants, les années ne l'ont pas épargné. 

    Une douce tiédeur m'envahit et l'odeur du café me rappelle mon enfance. Ces petits matins où je me levais avec une certaine inquiétude devant une journée pas tout à fait ordinaire. Ces journées où l'on sent, où l'on sait qu'il va se passer quelque chose. Pour donner le change, je prends un air détaché, celui du voyageur habitué aux déplacements. Le patron, un brave homme s'approche de moi. Il ne m'a pas reconnu et c'est tant mieux.. Sa bonhomie me rassure, je lui  souris tandis qu'il me serre une tasse fumante à l'arôme du matin. Le doute, ha!  Ce fameux doute, qui m’obsède.

    Si elle ne venait pas. Non ce n'est pas possible. D'accord, la première fois où nous nous sommes rencontrés, mais c’est si loin, elle était méfiante, moi aussi d'ailleurs. Puis nous avons appris l’un et l’autre à nous connaître, nous reconnaître. Nous savions dès le début que quelque chose, un sentiment étrange bien plus fort que tout nous emportait. Nous étions jeunes alors, nos belles années étaient notre force. Notre mal de vivre, notre mal être, nous unissaient, bien plus encore ! L’amour existait. Toutes ces promesses échangées, toutes les paroles douces, tous les « je t’aime », qu’elle murmurait dans mon cou de sa voix tremblante et chaude à la fois, frappent encore à la fenêtre de mon cœur. Non, ce n’était pas du vent, pas elle, elle ne me ferait pas cela. Nous avons trop souffert de notre séparation.

    Son message était clair. « Incroyable! Je viens seulement de recevoir ta lettre  du 5 février 1970, c’est impensable et dire que j’ai douté de toi. Pourtant je n ‘ai jamais pu t’oublier, fermant mon cœur à tout. Ma vie fut triste et vide sans toi. Mais aujourd'hui, à force de recherche, j’ai retrouvé ton adresse. Je ferai tout pour te revoir, nous nous retrouverons mon amour. Reviens en ces lieux où nous nous aimions, comme si c’était notre prochain rendez-vous, viens demain matin, viens, je t’en prie. »

    Mes yeux sont las de lire et de relire encore sa lettre que je connais par cœur. Ses mots ont dansé toute la nuit dans ma tête, dans le train qui me ramenait ici.

     : «  Vous ne buvez pas votre café, il va être froid ! » 

    : «  Excusez-moi monsieur, j’étais bien loin d’ici.  » 

    : «  Je vois, vous attendez quelqu'un ? » 

    : «  Je ne sais plus. Je ne sais plus, je suis fatigué, fatigué d’attendre toute une vie. »

    : «  Allons Monsieur, ne soyez pas triste, tenez  je vous offre une tasse de café »

     Allez vieux courage ! Faut partir. T'as plus rien à faire ici. Ouvrir cette porte et filer au plus vite. Laisser le passé dans ce vieux café.

    : « Madame, vous sortez, je vous en prie après-vous, j’ai tout mon temps, ou plutôt il ne m’appartient plus, alors... »

    : « Merci Monsieur, vous êtes gentil. »

    : «  Mais vous pleurez Madame, laissez-moi vous aider !   C’est curieux, votre visage ce visage, attendez ne partez-pas, ô ! Mon Dieu mais oui c’est toi ! C’est bien toi, tu étais déjà là ! Et moi qui avais abandonné tout espoir. Alors c’est vrai, je ne rêve plus. Viens, viens mon amour, prends ma main et fuyons vers l’avenir, nous avons trop attendu. » 

     

    Roland

     

     

     

                                               

     

     

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  • Ho  Lumière ! Tu jaillis du feuillage,et  je ne crains plus  ta clarté. 

     

    Ho lumière ! Inonde la terre  pour nous abreuver de pureté.  Ho clarté ! Venue de l’univers, tu transportes  en toi des poussières d’étoiles pour mieux épouser la toile… Que ton voyage fut long à travers les galaxies, et pourtant après des années lumières tu es toujours aussi belle.

     

    Ho Lumière ! Je veux encore vivre et dormir dans tes draps, comme dans un linceul de douceur et m’imprégner de ta couleur flamboyante. 

    Roland

     

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