• Le voleur en manque d’assurance…

     

    Jérémy,  avait un peu trop fumé de sa récolte de Marijuana, mais néanmoins gardait un peu de lucidité, en tout cas suffisamment pour échafauder son plan. Il imagina de cambrioler le petit pavillon qu’il occupait avec son épouse Stacy,  afin de percevoir  une prime d’assurance qui viendrait améliorer l’ordinaire. Le bougre, s’il avait un avenir tout tracé,  il  avait aussi un passé qui le suivait à la trace. Avant de mettre sur pied le dernier acte de son projet, il avait déjà dérobé à l’insu de Stacy, sa jeune épouse, différents objets, lui laissant croire que quelques voleurs s’étaient introduits dans leur maison durant leur absence. Pour leur équilibre, de temps à autre, d’un commun accord, chacun s’offrait quelques jours de liberté.

    Au retour d’un weekend, devançant son époux, Stacy, eut la désagréable surprise de voir qu’il manquait des tableaux de maître.  D’abord, à peine franchi le seuil de leur demeure, elle ne s’aperçut de rien, mais elle eut une étrange sensation de vide et comprit en quelques secondes la mésaventure. Stupeur ! Ça recommence ! En effet, quelques temps auparavant, des bijoux avaient disparu, et dimanche dernier, les livres de collections de grand-mère, avaient fait la malle. Cela ne pouvait durer. « Tu devrais faire installer des caméras. Ainsi on saurait à qui on a affaire. » Lança-t-elle déprimée,  à Jérémy qui s’exécuta dès le lendemain matin en contactant un service de sécurité, ne pouvant faire marche arrière. En début d’après-midi,  un technicien était sur place et en une heure le matériel de protection était fonctionnel.

    D’une famille plutôt bourgeoise, Stacy aimait son mari avec tendresse. Elle connaissait son enfance difficile, d’orphelinat en maison d’accueil, et souvent, lorsque quelques nuages assombrissaient ses yeux bleus, elle avait pour lui un sentiment qu’elle ne pouvait définir, une envie folle de le protéger.  Mais cet amour qu’ils partageaient ne suffisait pas à Jérémy. Sa vie de célibataire souvent chaotique, ses amis border line, les joints qu’on fume pour oublier, ses aventures sans lendemain, tout cela lui manquait. Il s’ennuyait. Beau gosse, beau parleur, la gent féminine n’était pas indifférente à son charme et à son côté canaille, et il en profitait bien. Pourtant, lorsqu’il rencontra Stacy, il sut d’emblée que c’était avec elle qu’il partagerait sa vie. Ce ne fut pas un coup de foudre, mais un amour qui s’installa tranquillement mais sûrement, et les deux tourtereaux s’unirent pour le pire qui ne rate jamais et le meilleur qui n’arrive pas souvent. Ils devinrent un couple presque ordinaire.

    Il apprit à bricoler, à jardiner,  mais lorsqu’il voulut cultiver dans leur potager quelques plants de Marijuana, d’abord étonnée, Stacy  fit la moue puis accepta, pensant qu’il s’agissait là d’un caprice de Jérémy, et qu’un jour il brûlerait tout ça. Pour le brûler, c’est ce qu’il fit, mais pas de la façon dont avait imaginé sa tendre épouse. Jérémy, n’en était pas à son premier joint, et là ce fut du producteur au consommateur. Quelle aubaine !

    Ainsi chaque jour, il s’offrait un petit plaisir qu’il croyait maîtriser  parfaitement. «  Faut pas dépasser les bornes, sinon attention aux éléphants roses. » pensât-il souvent. Il était sincère. Mais un soir, après une dispute de jeunes amoureux, contrarié, il en abusa plus que de coutume, accompagné de quelques rasades de whisky.  Stacy, le voyant dans un état second, décida de dormir  chez une amie, mais auparavant elle mit l’alarme en veille, pensant que son mari pouvait aussi découcher et qu’il oublierait sûrement de le faire.

    Fort tard dans la soirée, un peu désorienté, Jérémy, pensa à l’assurance et à son projet. La tête dans un étau, les pensées bizarres, sans se rendre compte de ce qu’il faisait, il déroba un peu tout dans la maison, chargea sa voiture et parti comme un voleur, dissimuler son butin chez un copain… Il revint discrètement, vers 6 heures du matin, dégrisé mais fatigué et s’en se faire prier, alla se coucher…Il dormit  des heures et  n’entendit pas son épouse qui rentrait de son petit séjour. Mais ce sont ses cris, qui le réveillèrent en sursaut. « Jérémy, Jérémy ! On nous a encore volés. Viens voir, ils ont même dérobé mon plus beau sac à main. » Jérémy sauta hors du lit,  jura, bougonna, s’en prit à la terre entière, c’était un bon comédien. « C’en est trop, je vais à la police ! »  S’indigna-t-il pour la forme, et s’adressant à son épouse, ajouta : « Viens avec moi. » « Oui oui, je te suis ! » et pendant que Jérémy terminait de s’habiller, elle prit la cassette et la rangea dans son sac, en pensant tout bas : « Avec ça, ils trouveront bien qui a fait le coup. ».  Au bord des larmes, elle s’agrippa au bras de son mari et le serra fort tout en marchant d’un pas rapide dans les rues de la ville. De temps à autre, Jérémy adressait à son épouse un regard attendri, tellement elle paraissait troublée par cette histoire. Comme il aurait aimé la prendre dans ses bras à ce moment-là. Mais sa pensée revint à son projet, comme un fil rouge dont il ne pouvait se défaire : « Au moins cette fois je vais pouvoir faire marcher l’assurance et toucher le pactole. » pensa naïvement notre homme qui était loin de se douter de la suite des évènements.

    Une demi-heure leur suffit, pour se rendre au commissariat de Bourg en Bresse. La déposition des jeunes gens dura des minutes interminables, avant que le policier qui les reçut, se décide enfin à visionner le film de la nuit.  Au fur et à mesure que les images défilaient, un malaise s’installa autour des trois personnages qui restaient silencieux. L’agent ne dit mot mais n’en pensa pas moins. Il avait bien sûr deviné le subterfuge en questionnant  Jérémy sur son emploi du temps. Le jeune homme en effet, n’étant pas vraiment précis, s’embrouillait dans ses réponses. Il fallait maintenant des preuves visuelles.  Ce fut Stacy qui rompit la première ce silence devenu trop pesant.  Indignée, peinée, les larmes aux yeux, elle s’esclaffa : « Ciel ! Mais c’est toi, mon amour ! Pourquoi avoir fait cela ? » Jérémy resta bouche bée. Que pouvait-il dire d’ailleurs ? Il avait complètement oublié cette sacrée caméra. Il était pris la main dans le sac, mais  n’en voulut pas à Stacy. Bien que penaud, mais pour se donner une contenance, il alluma machinalement un joint au grand dam du policier qui ne put s’empêcher de sourire intérieurement : « Ici on ne fume pas  jeune homme !» dit-il simplement. Alors, Jérémy obéissant et sans aucune  animosité envers l’agent, écrasa entre deux doigts son mégot et le mit délicatement dans une petite boîte. Tandis que sur l’écran, la frêle silhouette de Jérémy, se dessinait emportant maladroitement sous un bras le sac à mains de Stacy et serrant dans l’autre main valide, un tableau. Il pressait le pas comme s’il avait à ses trousses le diable, puis revenait subtilisant d’autres objets. Fallait-il d’autres preuves ? Les images hélas, parlaient d’elles-mêmes.

    Le fonctionnaire, redevenu impassible, d’un ton presque paternel et plutôt gêné de la situation, murmura à la jeune femme pour la rassurer sur le devenir de son mari: « Madame, il n’y a pas de vol entre époux. C’est une chance. Vous pourrez rejoindre tous les deux votre domicile. J’espère que cela lui servira de leçon.»  Puis, s’adressant à Jérémy, d’une voix moraliste, comme l’aurait fait un père : « Vous jeune homme, ne laissez pas vos rêves cupides, vous voler votre amour. Elle vous aime. Vous êtes libre. ». 

    Ainsi, Stacy et Jérémy retrouvèrent leur nid douillet, elle pardonnant, lui jurant que plus jamais, il ne volerait et que désormais il ne toucherait plus à la Marijuana. « je vais  brûler tout ça » lui avoua-t-il en la serrant dans ses bras.

    Dans l’après-midi,  il remit à leur place les objets subtilisés. Tout en fredonnant une mélodie qu’elle adorait, il s’approcha de Stacy, avec ce sourire qu’elle aimait tant, et lui susurra : « Vois-tu mon amour, notre bonheur, on ne l’a pas volé. ».  Il n’avait rien perdu de son assurance.

    Roland Laurent

     

     

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